J'ai deux moi
Je mange, je respire, je marche, j' accomplis au jour le jour les
petits gestes de ma vie ordinaire. Je vis quoi...Je fais au jour
le jour ce que je dois faire. Je m'occupe de ma maison, de mes filles, de mon Lover, je
lis, j'écris, je réfléchis sur ma vie, sur ce que je vis.
Dans cette vie, au jour le jour je suis intégralement immergée dans la
journée. En fait je ne me vois pas.
Des fois je rentre à l'intérieur de moi. J'entends ma voix dans ma tête. Quand je souris, quand je ris,
quand je baille, je le sais mais je ne me vois pas, sourire, rire, bailler.
Je vais vers Lover. Je l'embrasse, il me
serre dans ses bras. Il me
regarde, me voit. Il voit que je suis bien ou mal coiffée, maquillée
ou pas, il voit mon dos, il voit mes formes. Je vois ses yeux qui me sourient quand il me regarde, ils sont étonnés taquins, ou indifférents, ou
distraits.
Moi, je ne sais pas me voir. En tout cas pas mon dos, et encore moins mes formes. Seulement le devant de mon corps quand je baisse la tête. Par contre je vois de l'intérieur de ma tête...
Soudain, je suis devant mon miroir de la salle de
bain et là je vois une personne. Une femme. D'un certain âge, avec tâches de rousseurs, des
rides et des sillons, un sourire et des yeux soi disant
pétillants.
Je sais bien que c'est moi et je n'en doute pas une minute.
Impression bizarre d'être soudain projetée en dehors de moi, de mon corps, de mon visage, à m'examiner comme je le ferais de n'importe quel vis-à-vis.
C'est moi, oui c'est bien moi, pas de doute. Et pourtant ce n'est pas vraiment moi...
Au dedans je me sens différente de ce que je vois dans le miroir. Ce reflet m'emprisonne dans une image de moi que je ne suis pas sûre de reconnaître. Là je suis bien cadrée, ne dépassant pas les limites de ce corps que j'aperçois dans cette glace. Au dedans de moi, au contraire, parfois je me sens si immense, voir même sans frontières, sans frein, prête à partir et vagabonder où bon me semble, sans que nul ne le soupçonne. Partir dans l'infini de mes espaces intérieurs, ou au contraire, me recroqueviller dans un tout petit coin de ma tête toute petite, petite. Ça dépend des jours, de mon humeur, chagrine ou joyeuse.
Mais tout est possible au dedans de moi.
Le miroir me rappelle seulement à l'ordre de ma taille, quelconque, objective, pas de rêve, pas de fantasmes, la réalité, le concret, le direct, le cerné.
Je suis moi et ... moi, qui sont deux personnes différentes.
Celle qui écrit là n'est pas du tout celle du miroir...